Je m’appelle Bond. James Bond. Non, c’est une blague. Je m’appelle Jane, Jane Helkins et j’aurais dix-huit ans le mois prochain. J’aurais aimé être rousse et m’appeler Ambre. Évidemment, mes parents en avaient décidé autrement. Moi, c’est Jane, ni trop banale, ni vraiment originale. Juste entre les deux. À vrai dire, mon prénom est ma faiblesse, car il ne se remarque pas. Or, j’adore me faire remarquer ! Mais je parlais de mes parents…

Flash Back

Juin 2003, Canada.

Maman se tenait devant moi, les mains sur les hanches. Elle me regardait, de ce regard faussement fâché qu’elle prenait lorsqu’elle voulait me dire quelque chose de vraiment important. Elle ne parvenait toutefois pas à masquer la tendresse qu’elle éprouvait pour moi, ce qui atténuait fortement l’aspect effrayant de ses grands yeux bleus. Je contemplai un instant, émerveillée, ses iris aux reflets argentés. Maman ne daignait toujours pas ouvrir la bouche, si bien que je commençais à m’inquiéter. Ce qu’elle avait à partager avec moi devait être sacrément grave. Il n’empêche que j’étais en train de perdre des précieuses minutes de jeu avec Liam, mon meilleur ami. J’étais sur le point de le lui faire remarquer lorsque quelqu’un frappa à la porte. Maman jeta un coup d’œil furtif à la fenêtre et sa mine s’assombrit.
- Nathan, appela-t-elle d’une voix tremblante que je ne lui connaissais pas.
Papa fit quelques pas vers nous et ils échangèrent un regard entendu, lourd de sens. Je n’avais pas fais un geste, mais à l’intérieur, je bouillonnais. Je trouvais cela totalement injuste qu’ils parviennent à se comprendre sans un mot, tandis que moi, je n’y comprenais rien ! Maman, qui jusqu’à présent semblait m’avoir oubliée pris ma main dans la sienne.
- Dans la cave, dit Papa. Vite !
Elle obtempéra et m’entraîna à sa suite. J’avais renoncé à chercher à comprendre, bien consciente que la situation m’échappait totalement. Curieusement, je ne parvenais pas à être inquiète.
Lorsque nous fûmes descendues au sous-sol, elle s’agenouilla devant moi et braqua ses yeux dans les miens, l’air soudain sérieux.
- Ma chérie, écoute-moi. Ecoute-moi attentivement. Je vais remonter aider Papa, pendant que toi, tu resteras ici. Jane, tu ne devras pas sortir tant que tu ne seras pas certaine qu’il n’y a plus aucun bruit en haut. Cette porte se ferme de l’intérieur et dès que je serais sortie, tu la verrouilleras.
- Maman… murmurai-je d’une voix rauque, tentant désespérément de refouler les larmes que je sentais poindre.
Maman passa une main douce dans mes cheveux.
- Oui, Jane ?
- Tu vas revenir, n’est-ce pas ?
Elle se contenta de sourire.
Plus tard, bien plus tard lorsque la maison fut entièrement silencieuse, j’entrouvris la porte de la cave et gravis les quelques marches qui menaient au premier étage. Plus que le bruit, ce fut l’absence de bruit qui m’alerta que quelque chose d’inhabituel s’était produit ici. Je retins mon souffle. Une odeur acre de fumée parvint néanmoins jusqu’à mes narines et bientôt, les flammes qui brûlaient haut et fort commencèrent à ravager le plancher. En étouffant un cri de détresse, je sortis de la maison, sans demander mon reste. J’ouvris alors de grands yeux ou l’effroi le disputait à la surprise. La maison entière s’était embrasée, et j’assistai, impuissante à sa destruction. Le tout ressemblait à un énorme bûché. Mes yeux s’embuèrent et les larmes roulèrent sur mes joues sans que je cherche à les retenir. J’aurais voulu que des bras se referment sur moi, que quelqu’un me chuchote que tout allait bien, sentir une main dans la mienne… J’étais seule. Vraiment seule.
Je ne remarquai pas les curieux qui commençaient à s’amonceler devant l’incendie. Je n’entendis pas les voix qui me hurlaient de me mettre à l’abri, je ne sentis pas les mains qui m’enveloppèrent dans une couverture.
Les flammes dansaient dans mes yeux et ma tête se mit à tourner, tourner… Mes sens m’abandonnèrent et je glissai lentement vers l’inconscience. Je fermai les yeux. La dernière image que j’emportai avec moi fut celle de cette maison, toute mon enfance qui s’enfuyait dans une explosion de couleurs.
Puis ce fut le noir.
Total.

Fin du Flash Back.

Inutile de préciser que mes parents ne sont jamais revenus… Ils ne sont à présent plus qu’un vague souvenir dans mon esprit. C’est moins douloureux, avec le temps. Cette journée de Juin 2003 a pourtant laissé des traces indélébiles dans ma mémoire.
Je n’ai pas mis bien longtemps à comprendre que celui que mes parents craignaient tant, qui avait mis feu à la maison et m’avait enlevé mon enfance n’était autre qu’un vampire, un de ces buveurs de sang. Il n’était cependant pas là par hasard et, suite à de longues heures de recherches, j’ai appris que j’appartenais à une famille de Chasseurs de vampires. J’ai quitté le Canada après la mort de mes parents et ai été élevée par mon oncle. Je n’ai manqué de rien, je recevais tout l’amour dont j’avais besoin mais il y avait un vide en moi que je me savais incapable de combler.
Ce n’est donc pas par hasard si mes pas m’ont conduit jusqu’à cette petite ville de Mystic Fall’s, apparemment sans histoires mais qui, ces derniers temps, avait eu le mérite d’attirer mon attention. Trop de sang avait coulé.
Coup de chance, Alaric Salzman, en quelque sorte le chasseur de vampire du coin, avait élu domicile dans cette ville. Il ne m’a alors fallut guère de temps pour contacter le shérif et m’arranger pour qu’elle accepte mon aide, sans trop lui en dévoiler sur ma soif de vengeance. J’allais reprendre le flambeau.

Mystic Fall’s, 2012.

Je freinai brusquement et mon inséparable Kawa, répondant à la moindre de mes sollicitations, s’arrêta sans broncher. Il s’agissait en effet de ma moto, qui était sans aucun doute ma plus fidèle amie. J’ajustai le col de ma veste, de façon à faire bonne figure. Pour l’occasion, j’avais tenté de paraître on ne peut plus normal et je devais avouer que le résultat était plutôt satisfaisant. Je contemplai le poste de police avec une moue appréciative, juste devant moi. J’avais trouvé sans encombre et, fait rare, étais presque en avance !
Je fis quelques pas et toquai trois coups ferme à l’imposante porte qui faisait office d’entrée. Une femme aux cheveux blonds coupés courts et aux traits soucieux m’ouvrit la porte. Je la dévisageai un instant avant de lui offrit un charmant sourire :
- Bonjour. J’aimerais parler au shérif.
- Lui-même, rétorqua-t-elle.
Mon sourire s’élargit.
- Je m’appelle Jane Helkins. Et je suis ici pour vous aider.