1857, la censure des Fleurs du Mal de Baudelaire, le déces d'Alfred de Musset, le début des travaux de Pasteur, et éventuellement, mon année de naissance. Ouais, dans une telle année est arrivé un évènement aussi insignifiant que la naissance d'une petite fille. Vous savez, y a rien eu de bien extraordinaire. Un père médecin, une mère qui, comme toutes les femmes de l'époque ne travaillait pas, et un mariage arrangé. Et quelques temps plus tard me voilà. Pas de quoi en faire un plat. Je ne sais pas ce qui leur est passé par la tête quand ils ont décidé de m'appeler Danika.
Bref, j'ai grandi aux côtés de ma mère, pendant que mon père bossait aux quatres coins de la région. Je devais devenir comme elle, belle, gentille, aimante, et trouver un mari qui aurait été riche, beau et bien élevé. En attendant j'allais à l'école de mon village et j'aidais ma mère dans les tâches ménagères.

Et puis j'ai eu 16 ans, 17, 18, et toujours aucun homme qui me plaisait, aucun homme qui n'arrivait à m'arracher un sourire. Ce fut la première fois que mon père était aussi présent avec moi, et pour Noël, deux mois après que j'eusse fêté mon 19ème anniversaire, il m'offrit une simple lettre, dans laquelle était écrite une demande en mariage, d'un homme de 36 ans, que j'avais vu une fois dans ma vie au cours d'un repas chez les amis de mes parents. Je me souviens comme si c'était hier, ce morceau de papier était arrivé comme une bombe entre mes mains, j'avais peur. La seule chose que je voulais était un mariage d'amour, mais évidemment c'était impossible. J'ai alors fait un choix, celui de renoncer à la vie plutôt que de perdre ma liberté. C'était un choix difficile mais je ne voulais pas perdre le contrôle de ma vie, et surtout pas le donner à un homme dont je ne connaissais même pas le prénom.

Ma décision prise, j'ai attendu le milieu de la nuit, il était aux alentours de 3h du matin, il me semble. J'ai pris un couteau dans la cuisine, je savais où ma mère les cachait, puisque je faisais à manger avec elle, et je me mis à courir. Je ne savais pas où j'allais mais je courais, loin de chez moi, le couteau à la main. Je suis arrivée près d'un puit. C'était étrange et je me suis assise, le dos contre ce puit. Je n'ai pas hésité très longtemps avant de découper lentement mon bras gauche, en savourant la douleur qui avait le goût de ma liberté, je passai au bras gauche, et au bas du ventre. Je m'ouvrais partout où je pouvais, et puis le noir.

Je me suis bien sûr réveillée, sinon comment aurais-je pu vous raconter cette histoire ? J'ai mis beaucoup de temps à comprendre que l'odeur de tout mon sang se répendant autour de moi avait attiré un vampire. Je ne sais toujours pas pourquoi, il n'a pas voulu me tuer et m'a simplement transformée, pour me sauver la vie. Il était beau, et il était gentil. Il m'a tout expliqué sur ma nouvelle condition de vampire, m'a offert une bague ornée d'un lapi lazzuli. Il m'a aidé à ne pas attaquer des hommes, mais à manger uniquement des animaux, et un jour il est parti. Jamais je ne l'ai revu. Ce soir là j'ai beaucoup bu, j'avais développé une adoration pour les alcools forts pendant ma jeunesse, et je retrouvais enfin cette douce brulûre dans ma gorge. Mais tout le problème était là. Je ne controlais plus mon envie poignante de sang humain, et ça a été une catastrophe. Trois en une nuit. Ca fait 8 ans, et depuis, une soif de sang affreuse me déchire le ventre mais je lutte. Je lutte parce que je ne veux plus être le monstre que j'ai été, je lutte pour ne plus boire, et j'attends toujours de trouver celui avec qui je me marierai par amour.